Les nouvelles de la Boutillerie #4
Depuis trois ans déjà nous vivons dans cette ferme couchée à la frontière... Ce territoire un brin délaissé, post-industriel, péri-urbain, façonné par l'agro-business et les night-shops, il nous accueille, nous abrite, nous fait une petite place. Nous faisons des enquêtes sur le passé de ce lieu, sur ces habitant.e.s et sur les histoires à raconter : Ici (...) il s’agit plutôt de chercher du côté de ce qui a été ignoré, de ce qui n’a jamais concordé...
Trois ans déjà!
> Ute
Trois ans après, à la ferme, je me sens « appartenir à un lieu concret ». Ce lieu résonne en moi, presque comme les paysages de mon enfance. Une sorte de Heimat sans rivières. Une Heimat abîmée dont il faut prendre soin.
C'est d'ici que nous écrivons une autre histoire : Nous misons sur le commun, sur l'interdépendance, sur nos vulnérabilités : c'est une histoire de soin, de lien et de confiance.
Trois ans après, je sens l'exigence et l'effort que cela me demande de rester en lien avec les autres, de faire confiance, d'être constant, de suspendre mon jugement, de vivre avec : c'est un voyage dans les profondeurs de mon être.
Trois ans après, je ressens une immense gratitude d'être accueillie par ce lieu, par les voisins, le jardin, la maison et les 14 autres êtres qui vivent avec moi ici : c'est comme le sens de la vie que je retrouve en vidant le seau des toilettes, en regardant pousser les tulipes de Betty dans le jardin, en observant Eric poser méticuleusement l'isolation du toit et en écoutant Natalia lire un poème.
Ute
> Natalia
Après trois ans déjà traversé, j’ai vécu la découverte, l’émerveillement, le vertige de la grandeur et la puissance du projet.
Et paradoxalement la prise de conscience que ce n’est rien d’autre que de vivre au jour le jour, du mieux que je peux en apprenant à aimer mes limites.
Que ce n’est rien d’autre que de goûter les petits riens du quotidien partagés qui sont depuis le début et encore aujourd’hui si doux.
Trois ans… j’ai l’impression que nous savons mieux où nous allons, ce que nous voulons, comme des muscles qui prennent de la force et disent "Oui" à notre raison d’être. Habiter, construire et créer un lieu vivant, ensemble. Chacun à sa manière.
Trois ans… j’ai des racines qui prennent vie, qui bourgeonnent dans la terre, qui vibrent et m’invitent à m’abandonner encore mieux, encore plus.
Natalia
Et paradoxalement la prise de conscience que ce n’est rien d’autre que de vivre au jour le jour, du mieux que je peux en apprenant à aimer mes limites.
Que ce n’est rien d’autre que de goûter les petits riens du quotidien partagés qui sont depuis le début et encore aujourd’hui si doux.
Trois ans… j’ai l’impression que nous savons mieux où nous allons, ce que nous voulons, comme des muscles qui prennent de la force et disent "Oui" à notre raison d’être. Habiter, construire et créer un lieu vivant, ensemble. Chacun à sa manière.
Trois ans… j’ai des racines qui prennent vie, qui bourgeonnent dans la terre, qui vibrent et m’invitent à m’abandonner encore mieux, encore plus.
Natalia
> Charlotte
Il y a trois ans, j'ai accroché de nouvelles clés sur mon porte-clés, avec un sentiment d'immensité. Aujourd'hui, chacun de mes tours de clés sont encore marqués d'une sensation de magie, est-ce que cela va durer ?
Je n'habite pas encore cette ferme, je suis peu dans le tourbillon de vie qui y règne.
Ce pas de côté m'offre à voir, ce qui s'écroule, ce qui se construit… ce qui se questionne et se solutionne… les accélérations et les ralentis qui s'équilibrent… côté brique, côté humain.
Et dans trois ans, quand la magie aura peut-être quitté mes tours de clés, je tenterai de me souvenir de cette période où je vivais à côté, et où je voyais très clairement la vie bouger.
Nos petites vies, immenses.
Charlotte
Je n'habite pas encore cette ferme, je suis peu dans le tourbillon de vie qui y règne.
Ce pas de côté m'offre à voir, ce qui s'écroule, ce qui se construit… ce qui se questionne et se solutionne… les accélérations et les ralentis qui s'équilibrent… côté brique, côté humain.
Et dans trois ans, quand la magie aura peut-être quitté mes tours de clés, je tenterai de me souvenir de cette période où je vivais à côté, et où je voyais très clairement la vie bouger.
Nos petites vies, immenses.
Charlotte
> Max
3 ans c’est comme aujourd’hui
Ce qui nous paraissait un peu fou est devenu le tout à fait normal
3 ans c’est comme aujourd’hui et aujourd’hui on est dimanche donc on mange ensemble en guise de repas de famille
On allume le poêle de masse tôt le matin pour espérer avoir chaud en déjeunant
On se compte au moment où les filles sont missionnées pour mettre la table, c’est un petit midi, nous ne sommes que dix
Chacun apporte quelque chose sans se concerter, parfois il y a trop de riz, parfois deux poulets, le pire c’est trois plats à base de chou
Depuis la fin de l’automne, on a passé la vitesse supérieure du côté des travaux donc ça cause maçonnerie, électricité, isolation, date de début de décaissement.
On essaie de faire en sorte que les filles débarrassent leurs assiettes quand elles filent jouer
Dans l’après-midi, on vaque au jardin, à la famille ; certains retournent aux travaux mais on est dimanche alors on y va « tranquille ».
On opte pour le déplacement du chevêtre pour la sortie de mon tuyau de poêle
C’est évidemment beaucoup plus simple de le faire quand le toit est en train de se faire, quand les tuiles et les lattes ne sont pas posées mais il se trouve qu’une meilleure idée est arrivée sur le tard, une idée qui replace le tuyau plus près du futur mur, de façon bien plus pratique. Alors il faut déclouer un morceau de chevron par en-dessous en essayant de ne pas trop faire de dégâts sur le pare-pluie ; c’est un boulot en plus, un boulot du dimanche.
Même si ici on fait attention à ne pas être trop « genré », il se trouve qu’on est entre mecs autour de cette mission dominicale,
et comme cet après-midi il y a Galles-France en rugby, on s’est muni d’un Mac portable.
La première mi-temps, on l’écoute du haut de nos échelles plus qu’on ne la regarde. On sent que l’ambiance se tend, que ça va devenir intéressant en deuxième alors on met un coup d’accélérateur côté chevêtre.
On descend chercher une bière à la pause ; on croise nos filles dans le vieil escalier bringuebalant, elles en profitent pour nous demander si le gros pied de biche jaune est en haut. La deuxième mi-temps démarre, les gallois marquent d’entrée et mènent 24-20, on ne remontera plus sur les échelles. A partir de là, il y a un enchainement de belles actions, une incroyable chistéra de Le Garrec, on est assis sur les boîtes en plastique des scies sauteuses, Taofifenua marque un essai sur un contre, le Mac est posé sur le paquet d’isolant, les filles nous ramènent le pied de biche, Ramos passent tous ses coups de pieds, les gallois prennent l’eau, c’est un joli dimanche, le chevêtre est terminé et le score final est de 24-45.
C’est en redescendant avec le Mac et les bières vides qu’on prend vraiment conscience que des filles, les nôtres, âgées de 7 à 11 ans, sont venues très naturellement chercher un gros pied de biche, qu’elles s’en sont servies puis qu’elles l’ont ramené une demi-heure plus tard sans que cela ne nous surprenne plus que ça.
Ce doit être que, ce qui nous paraissait fou il y a trois ans, nous semble désormais des plus naturel.
Max
> Benoit
3 ans après, quand on me questionne sur notre "aventure", j'en parle avec retenue.
J'aurais envie de dire toute la chance que j'ai d'en être et le bonheur que j'y trouve, mais j'apprends petit à petit que nous sommes tous différents, que ce qui me convient ne conviendrait pas à d'autres, qu'ils peuvent trouver étrange ou naïf cette envie de faire différemment.
Je perçois aussi la tension que peut générer le récit de notre projet, je pourrais avec une maladresse inconsciente induire chez l'autre la pensée que ma vie est plus passionnante que la sienne.
J'ai passé les cinquante ans, et voici le genre de pensées qui habite le cerveau d'un cinquantenaire. alors, j'en parle de la ferme, parfois avec un enthousiasme un peu "trop" ("on ne se refait pas")
Cette prise de conscience me dicte de vivre pleinement sans trop me la raconter. De vivre tous ces moments joyeux ou tendres, de vivre aussi tous ces apprentissages et prises de conscience pour me permettre d’avancer avec plus de sérénité vers les 60 ans ;-)
Benoit
J'aurais envie de dire toute la chance que j'ai d'en être et le bonheur que j'y trouve, mais j'apprends petit à petit que nous sommes tous différents, que ce qui me convient ne conviendrait pas à d'autres, qu'ils peuvent trouver étrange ou naïf cette envie de faire différemment.
Je perçois aussi la tension que peut générer le récit de notre projet, je pourrais avec une maladresse inconsciente induire chez l'autre la pensée que ma vie est plus passionnante que la sienne.
J'ai passé les cinquante ans, et voici le genre de pensées qui habite le cerveau d'un cinquantenaire. alors, j'en parle de la ferme, parfois avec un enthousiasme un peu "trop" ("on ne se refait pas")
Cette prise de conscience me dicte de vivre pleinement sans trop me la raconter. De vivre tous ces moments joyeux ou tendres, de vivre aussi tous ces apprentissages et prises de conscience pour me permettre d’avancer avec plus de sérénité vers les 60 ans ;-)
Benoit
Ah si j'avais un marteau
Le chantier de l'année
Toiture, abattage et montage de murs pour les 3 logements en enfilade. Voici quelques photos et vidéos.
Les conseils techniques de Fred
Les trésors du jardin
Un trou, des mots
Un trou...
S’enterrer - s’isoler – faire son trou
un trou de souris - un trou normand – un trou du cul – un bouche-trou - un trou noir – un trou de mémoire
« des p'tits trous encore des p'tits trous
des p'tits trous des p'tits trous toujours des p'tits trous des petits trous des petits trous »
Des mots...
J’imagine des mots ronds, des mots colorés, des mots piquants, des mots déracinés, des mots parfumés, des mots enracinés, des mots boueux, des mots asséchés, des mots doux, des mots acides, des mots sucrés, des mots qui chantent, des mots qui se perdent, des mots broyés, des mots labourés, des mots très vieux, des mots écorchés, des mots géants, des mots minuscules.
Des mots pour raconter un jardin.
Betty
Les 7 filles de la boutillerie
Etre bergère
J’ai envie d’être bergère dans les montagnes. Chez moi, il n’y a pas de moutons, juste quatre chats. Alors je suis allée voir mon voisin Roland qui a des moutons.Tous les mercredis soir, je vais les chercher dans leur pâture, puis je les rentre à la bergerie et les nourris.
Janvier, février, c’est l’agnelage. A chaque fois que j’y vais, il y a des petits en plus.
Ce que j’aime beaucoup, c’est donner le biberon aux agneaux qui en ont besoin.
Parfois, il m’arrive d’en avoir un dans les bras. C’est doux, c’est chaud… et c’est chouette!
Au printemps, c’est la tonte. La laine tombe et les moutons deviennent moches. Mais c’est pas grave, je les aime quand même. L’année dernière, j’ai ramené de la laine à la maison, je l’ai lavée et cardée, et un jour je la filerai ou la sculpterai.
Si j’aime autant ce petit RDV c’est parce que Roland est super sympa. Il m’apprend plein de choses.
Albane
Chambre des filles, d'aujourd'hui et de demain
Frida
(qui vit dans la cabane loft de la grange) : Alors ma chambre déjà elle est en forme de L et puis y a un endroit c’est mon petit lit c’est mon petit coin. Et le reste y a mon bureau et y a mes affaires quoi, et moi je l’aime bien ma chambre, je la trouve chouette. Fanchon : moi ce que j’aime dans le mobilhome c’est ma chambre parce qu’il y a que un lit et moi j’adore les lits. Moi je vis dans un Bathome, un mobilhome bateau.Frida : j’ai une question on dit ESB ou OSB? Ah ok. Ben moi mon rêve c’est d’avoir un mur où il reste de l’OSB parce que en fait j’aime bien, je suis habituée à ça là maintenant dans la grange alors j’ai envie. Le reste ça peut être blanc. Il y aura peut-être une mezzanine à l’intérieur, sinon il y a une autre possibilité, après l’escalier il y a un petit espace et ils voulaient mettre le chauffo dedans mais moi je me dis que peut-être on pourrait mettre là mon lit, comme ça ça fait une espèce de petite cabane quoi.
Fanchon : Dans ma future chambre? Ben…..y aura un lit. Juste un lit. Un énorme lit qui prend toute la place. Comme ça ce sera plus simple de ranger ma chambre.
Frida: Nous on a une idée avec les filles, en gros on repère une corde, on a vu ce système avec Anouk et Clémentine, en gros y a un clou devant une fenêtre et un clou devant l’autre, elles ont attachées un sac plastique qu’elles ont reliées à une ficelle qu’elles ont reliées aux deux clous et elles tirent dessus et elles peuvent se faire passer des messages, et on s’est dit du coup, Zoélie passerait les mots à Albane et Dalva passerait les mots à Fanchon, moi ce serait toujours du même côté du coup parce que c’est difficile de faire traverser.
Fanchon : bah on va faire passer dans la cours! Là tu vois on pourrait tirer trois ficelles depuis la chambre d’Albane, la chambre de Dalva et la chambre de Frida et on relie de l’autre côté de la cour à la chambre de Anouk.
Frida : Mais on peut pas ouvrir la fenêtre sous le porche de la chambre d’Anouk.
Fanchon : oui on peut que ouvrir l’autre fenêtre de l’autre côté. Du côté route. Sinon on demande à faire un trou dans le mur et puis…
Frida : Mais au début on voulait faire passer des tuyaux, comme des tuyaux d’eau avec pas d’eau qui va dedans et puis ça arrive dans chacune des chambres et puis on peut se parler…mais là c’est trop tard de toutes façons, on peut plus parce qu’ils ont fait les cloisons. Et après comme on sera plus grands ben comme on pourra se coucher plus tard ben on pourra faire des choses plus tard, du coup on pourra rester plus ensemble.
Natalia : toi tu ne veux même pas une bibliothèque dans ta chambre Fanchon?
Fanchon : Non moi je veux que un lit!
Natalia : tu voudras des doudous?
Fanchon : OUAIS
Natalia : tu voudras un hamac?
Fanchon : Ouais
Natalia : ah donc tu veux quelque chose de plus que juste un lit?
Frida : oui mais les doudous ils vont dans le lit, du coup euh…
Mais moi aussi je veux un hamac en plus il y aura des poutres alors je pourrai le fixer.
Les évènements à la ferme
18 Mars 2023
Grand écart - Cie Gravitation dans la grange
18 Juin 2023
Terra Curumim - Vitor Garbelotto et Camila Nobre dans la grange
30 juin 2023
Fête de la ferme avec DJ Mehmet dans la cour
Les samedis Cinéma en plein air
12 août 2023
Rumba de Dominique Abel, Fiona Gordon et Bruno Romy
19 août 2023
Soul Kitchen de Fatih Akin
26 août 2023
La Famille Tenenbaum de Wes Anderson
23 Septembre 2023
Portes ouvertes dans la cour
25 Novembre 2023
Troc ton boc avec concert de musique médiéval, mini brocante et atelier brioche
Naissance de l'association La Riboutille!
Fin 2022 déjà, nous avons créé l’association “La Riboutille” dont l’objectif est :
- d’organiser ou d’accueillir des manifestations
- de valoriser le patrimoine de la ferme et des alentours
- de promouvoir l’habitat partagé
Les membres effectifs de cette association sont les habitant.e.s de la ferme et quelques personnes proches de la ferme, ami.e.s, voisin.e.s…
Les membres adhérents sont tou.te.s celles et ceux qui viennent participer à un événement à la ferme.
Actuellement nous sommes encore enfoncé.e.s dans les travaux de la ferme, mais voici ce que nous aurions envie de mettre en place dans le futur… et qui pointe déjà le jour…
Nos idées de projets pour l'association
La presse en parle
Est-ce un signal faible que quelque chose est en train de changer?
Deux journalistes se sont intéressées au fait d’habiter ensemble à plusieurs familles, et nous ont interrogées : Eva Tapiero dans Libération et Angélique Da Silva-Dubuis pour la Voix du Nord.
Libération du samedi 23 et dimanche 24 septembre 2023
Un article d’Eva Tapiero
La voix du Nord du mardi 27 février 2024
Un article d’Angélique Da Silva-Dubuis
Contre-jour
Dans le numéro 2 de la revue Contre-jour, Flora Beillouin et Zaida Abella ont consacré un portfolio à la vie de nos filles à la ferme. Flora et Zaida ont passé plusieurs journées à la ferme à observer les filles, à jouer avec elles, à leur poser des questions. Nous avons été très touché.e.s par ces photos et les verbatims de nos filles.
Contre-Jour est une jeune revue née de la volonté de faire résonner des récits, entendus au sein d'ateliers d'éducation aux médias, ou de résidences de journalisme. Parce qu’il est plus que jamais nécessaire de raconter le réel avec les personnes concernées.
La poésie de la boutillerie
la couleur blanche fondant légèrement moins vite que la neige,
il arrive de retrouver dessus ou dessous les sols désertés par le froid
des espaces vierges prêts à être habités par de nouvelles distances et frontières,
des lieux libres d’écritures à l’écoute de la soif et de l’eau qui parle de la soif,
Kenny Ozier-Lafontaine